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J’ai fait mon kéfir maison et – alerte au divulgâcheur – j’ai capoté!
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Par Tatiana Polevoy
La fermentation a le vent dans les voiles! La chroniqueuse et animatrice, Tatiana Polevoy plonge aujourd’hui dans le merveilleux monde des microbes bienfaiteurs en tentant de préparer son propre kéfir maison. Oui. Oui. Du lait fermenté, laissé sur le comptoir… temporairement. À l’entendre parler, ça manque à notre culture… bactérienne!
J’suis ballonnée. Autant le dire d’emblée. Je mange, je gonfle, ça fait des bruits gênants, je passe tellement de temps aux toilettes que je connais toutes les propriétés nouvellement inscrites sur Centris.
Je détache mon bouton de pantalon dans l’auto. Si je vous rejoins quelque part, dites-vous que cinq minutes plus tôt, j’avais la braguette ouverte. J’y peux rien.
Ça fait 39 ans que je vis ballonnée. Avec le temps, j’ai développé des équations complexes pour connaître les aliments qui me font distendre. Genre : un hamburger + une frite moyenne + ces seyants mom jeans taille ultra-haute = gonflements gênants. Si au moins ce n’était qu’avec la malbouffe. Mais non : du café à la laitue en passant par les lentilles et le tofu, tout me fait gargouiller.
Récemment (est-ce ma crise de la quarantaine?), je me suis dit que j’étais due sur un moyen de temps pour changer ça.
À la conquête de mon microbiote
Gonflée à bloc par la nouvelle année – et par ces délicieux petits craquelins que j’avais dégustés une heure avant –, j’ai entrepris de trouver sur les interwebs une nutritionniste parce que je voudrais, enfin, si elle le permettait, déjeuner en paix, comme chantait l’autre au début des années 90 (oui, je vous l’ai déjà dit, je vais avoir 40 ans!).
À peine notre réunion Zoom entamée, je révélais déjà à cette pauvre fille de Cap-Rouge les plus sulfureux détails de ma digestion.
Après avoir ensemble exploré les possibles effets du chou-fleur, du kale et d’autres pois chiches, la nutritionniste en est venue à une conclusion toute simple et qui allait pourtant, selon elle, changer ma vie : je devais commencer sur-le-champ dans la minute, hier, si possible, à intégrer des probiotiques à mon alimentation.
Selon LA spécialiste, ces probiotiques pouvaient provenir du kéfir. Même si ce n’est pas un conseil médical universel, dans un cas comme le mien, la fermentation du lait pouvait être une solution pour bedons bouffis. Wow! J’étais soulagée comme quand j’enlève mes leggings de yoga taille super haute à compression.
Fermenter pour le fun
Il fallait que je parle à un spécialiste. Quelqu’un qui allait tout me révéler des microbes bienfaiteurs et des levures salvatrices (parce que dit de même, non, ça ne m’ouvrait pas l’appétit plus qu’il ne le faut).
J’ai appelé Jean-Luc Henry, président-directeur général de Révolution fermentation, qui m’a convaincue du bien-fondé de consommer des aliments fermentés. « On mange des aliments qui ont subi des fermentations tous les jours sans même s’en rendre compte. Leur premier avantage, c’est leur bon goût. La fermentation, c’est un exhausteur de saveur », m’a-t-il dit.
Cet homme-là avait compris qu’il m’aurait par la gourmandise.
Jean-Luc Henry a enchaîné : « Ensuite, les fermentations ont un impact positif sur la santé. Les aliments deviennent plus nutritifs et plus digestes. » En clair, le kéfir allait m’aider à diversifier l’écosystème de mon microbiote, soit l’ensemble des micro-organismes – bactéries et compagnie – qui tapissent mon estomac. J’étais aux anges.
Percer le secret du kéfir
Le pro de la fermentation m’a aussi raconté l’histoire du kéfir, qui pourrait faire l’objet d’un film : « Les premières traces du kéfir ont plusieurs milliers d’années. Les recettes qu’on a aujourd’hui viennent du Caucase. Les peuples nomades utilisaient les grains de kéfir pour préserver le lait sur de longues périodes, bien avant l’arrivée de la réfrigération. Selon leurs croyances, les grains auraient perdu leurs pouvoirs magiques si leur existence avait été révélée à des étrangers. »
La légende dit qu’au début du 20e siècle, un groupe de chercheurs russes a envoyé une espionne scientifique séduire le prince de la région pour percer le secret de la fabrication du kéfir (une histoire de lait ajouté et enlevé dans des sacs de peaux animales et finalement transformé en graines de kéfir). Le tout s’est terminé en procès et le prince a payé son dû en grains de kéfir pour ne pas troubler les relations avec le tsar Nicolas II. C’est ainsi que le précieux liquide s’est répandu un peu partout dans le monde jusqu’aux berges du fleuve Saint-Laurent.
Aujourd’hui, on le consomme pour ses bonnes bactéries qui favorisent la santé intestinale. Ben oui, le kéfir de lait regorge de protéines, de calcium, de vitamines K, B1, B12, B9 (folate). On peut évidemment l’acheter en bouteille ou en pot, dans l’allée des produits laitiers, à l’épicerie. « Cependant, m’a déclaré Jean-Luc Henry, le fabriquer soi-même est possible et facile. » Autrement dit : fermenter, c’est l’fun. On allait bien voir ça.
Des papillons dans l’estomac (et dans l’intestin)
J’ai commencé à magasiner les kits de kéfir. À moi, les microbes bienfaiteurs! C’est là que j’ai appris qu’il existe deux façons de faire du kéfir : avec des grains ou avec une culture. Les grains doivent être activés sur une période d’une semaine, m’a expliqué Jean-Luc Henry. Une fois qu’ils sont prêts, on n’a qu’à les entretenir et ils peuvent transformer le lait en kéfir en 24 heures.
Mais mon intestin impatient n’avait aucune envie d’attendre sept jours avant de bénéficier des bienfaits du kéfir. J’ai donc choisi la méthode la plus simple pour commencer, soit celle de la culture. J’ai acheté un paquet de six sachets de culture en poudre et une belle jarre.
Tout excitée, je me suis attelée à la tâche. J’avais des papillons dans l’estomac. Étaient-ils dus à ma fébrilité « kéfirienne » ou à mes problèmes de digestion? Peu importe!
J’ai fait bouillir du lait – on peut prendre n’importe quel lait de vache, aromatisé ou non, sauf du sans lactose – j’ai attendu qu’il tempère, ajouté le sachet à une petite quantité puis mélangé le tout. J’ai ensuite versé la concoction dans ma jarre à kéfir et j’ai attendu 24 heures que la fermentation opère.
C’est quand même contre-intuitif de laisser du lait sur le comptoir, j’avoue. Mais la culture de kéfir assure la prolifération des bonnes bactéries et des micro-organismes.
Pour arrêter le processus de fermentation, après la journée complète à reposer à la température de la pièce, il suffit de placer le contenant au frigo pendant 8 heures. J’étais alors rendue à la partie la plus cool : goûter à mon élixir digestif.
Ma découverte de l’année (de la décennie, même!)
Cérémonieusement, devant les regards sceptiques de ma famille, j’ai ouvert ma jarre de kéfir. Je l’ai sentie. Ça ne sentait pas grand-chose. J’ai versé le résultat dans un verre. C’était pas bien beau. Mon kéfir était moins homogène et un peu plus épais que celui de l’épicerie.
Je l’ai goûté, du bout des lèvres, incrédule. Et c’est là que j’ai, comme on dit dans la vraie vie, pogné de quoi.
Au goût, mon kéfir était riche et crémeux. Sa texture onctueuse était d’une douceur incroyable. C’était comme poser ma langue sur un petit nuage de micro-organismes prêts à ravitailler ma flore intestinale. Pour être bien honnête, c’était pas mal la meilleure chose que j’avais mangée depuis un bout. No joke.
Mes enfants ont vidé d’un coup mon premier litre de kéfir. Ils ont ajouté un filet de sirop d’érable et l’ont mangé comme ils auraient mangé un yogourt. Si j’étais juste un peu plus quétaine, j’écrirais qu’ils étaient au « kéfirmament ».
J’ai refait du kéfir par la suite. Je m’en suis fait des shooters. J’en ai mélangé à des smoothies. Je l’ai intégré dans des muffins. J’ai même essayé de le faire mousser dans mon café du matin (OK, ça, c’était la couche de trop, j’en conviens).
Kéfir mon amour
Pour être 100 % honnête, quand Recettes d’ici m’a proposé de documenter mes essais avec le kéfir maison, j’étais certaine que la conclusion de mon expérience me mènerait à l’acheter tout fait.
« C’est ben l’fun, faire du kéfir, mais j’ai pas le temps pour ça », me voyais-je déjà écrire à la fin du billet.
Mais après deux semaines de fabrication de kéfir à la maison, et à ma grande surprise, je continue d’en faire. J’y prends même plaisir. Parce que c’est facile? Ouais. Parce que ça soulage mes ballonnements? Sûrement. Mais surtout, parce que c’est bon. Tout simplement. C’est vraiment délicieux!
Prochaine étape? Faire mon fromage. Jean-Luc Henry m’a raconté qu’il s’était amusé à faire du mascarpone de kéfir. Je ferai des expérimentations. Et si vous me cherchez, dans trois ou quatre ans, j’aurai peut-être aussi une ferme laitière et un poulailler. T’sais… rendue là.